Réalisation de 3 illustrations pour la carte du bar à cocktails "Billy Brandy" à Toulouse.
Pour ce projet, les fondateurs du bar sont venus vers moi avec leur concept, ils voulaient ouvrir un bar à cocktail à Toulouse qui se voudrait comme une expérience immersive où le client serait invité à suivre l'histoire du personnage de Billy Brandy.
Ils avaient donc rédigé 3 histoires courtes : "Tête de Courge", "Célicoles" et "Ressort et Robot" et m'ont donné carte blanche pour illustrer chacune de ces histoires dans mon style, avec pour objectif de créer 3 univers bien distincts.
"Tête de Courge"
Pour cette première illustration qui marque le début de l'histoire de Billy Brandy j'ai voulu créer une ambiance très chaude, solaire, comme un petit coin de paradis caché à l'image du lieu qui l'a vu naître, au milieu des fleurs de courge jaunes soleil. Mais la petite ferme semble s'éloigner et devenir inaccessible au milieu de ce paysage qui s'enroule sur lui-même en spirale, laissant présager un destin compliqué pour notre personnage...
Notre histoire commence comme beaucoup d'histoires, par une abeille qui butine. Ce sont les fleurs de courge qui l'intéressent en ce moment, leur couleur jaune soleil et le goût sucré de leur nectar la font frissonner. Le champ de courge appartient à un couple de fermières.
Un jour, en ouvrant une courge pour la soupe quotidienne, les deux femmes ont la surprise de découvrir en son centre, lové entre les graines, dans la douceur des filaments, un petit garçon encore endormi. Émues par cette apparition, elles décident de l'élever comme leur fils. Les années passent et Billy grandit dans les champs.
C'est dans ce tableau qu'un parfumeur s'approche de la ferme attiré par l'odeur de courge qui s'en dégage. Il croise Billy travaillant la terre qui lui explique que l'odeur est restée accrochée à son corps depuis sa mystérieuse naissance. Le parfumeur, sentant le désir de Billy de découvrir le monde, lui fait la promesse de l'amener avec lui à l'arrière de sa carriole. Envoûté par la perspective de l'ailleurs, Billy monte dans la roulotte et quitte la ferme sans dire au revoir à ses deux mères. Le parfumeur et Billy sillonnent les routes du monde en cherchant des nouvelles effluves. Il est libre de faire ce qu'il veut, il n'est contraint que par l'interdiction formelle de pénétrer l'atelier à l'arrière de la carriole. Alors que les brinquebalements du chariot s'arrêtent en vue des remparts d'Umrupalang, le parfumeur en saute pour cueillir une feuille de shiso pourpre. Billy est comme fasciné par cette nouvelle odeur qui se dégage au froissement de la plante. Incapable de trouver le sommeil, il cherche à humer à nouveau le parfum entêtant de la cueillette et pénètre alors dans le saint des saints qui lui restait interdit.
Une table de travail se trouve au centre de l'atelier. Autour, rangés contre les murs, attendent une infinité de flacons, certains vides, certains pleins de liquides colorés mais tous étiquetés. Il se met à les lire. Coriandre, bois de rose, abeille royale... Il tombe enfin sur un flacon annoté shiso pourpre et alors que son regard continue son balayage, il repère une étiquette sur laquelle est inscrit son nom : Billy Brandy. La porte de l'atelier s'ouvre à grand fracas et le parfumeur fait irruption. Comprenant immédiatement que Billy a tout découvert, il se jette sur lui et l'enchaîne dans un coin de la carriole pour éviter sa fuite. Voilà Billy condamné à attendre le moment de sa propre distillation. Dans ces pensées qui le hantent, il entend tout à coup un bourdonnement fort et qui monte en puissance. Un essaim d'abeille est entré dans le chariot et se précipite sur le cadenas qui maintient ses chaînes. La serrure cède et Billy se retrouve libre de ses mouvements. Le parfumeur essaie tant bien que mal de l'arrêter mais les abeilles, déchaînées, forment une nuée de colère autour de lui. Billy saute prestement du chariot qui s'emballe. Ne restent, dans le silence du chemin, que les cris du parfumeur, lardé de dards, qui excitent les chevaux de l'attelage, lancés dans une course folle.
Voilà Billy libre mais perdu. Il ne sait ni où il est, ni le chemin pour rentrer chez lui. Et si vous l'écoutez quand vous le croisez, c'est la raison pour laquelle il ne cesse de voyager, essayer de retrouver la route de la paisible ferme de son enfance.
"Ressort et Robot"
Pour cette deuxième histoire je voulais que l'on prenne la place de Billy, en créant une composition qui reflète le côté angoissant de cette forêt dans laquelle il s'aventure. Les arbres et le sol de la forêt semblent se refermer et nous entourer de toutes parts, nous laissant apercevoir des créatures dansantes qui nous observent, jaillissant de l'obscurité sur fond de grandes flammes aux couleurs acidulées, toxiques. Rien ici ne semble vouloir accueillir Billy, et pourtant les mystérieux habitants de cette forêt lui réservent de bonnes surprises...
Billy finit de remonter la manivelle qui actionne le ressort de son faiseur-de-froid. Il vient tout juste de rentrer de son travail à l’usine de confiserie et l’odeur de fruit cuit et de sucre continue de hanter ses vêtements. Encore que cette fois-ci le mécanisme de l’élévateur qui le ramenait chez lui a été plus long à fonctionner, on devait être au bout du ressort, ce qui a permis à l’odeur de se dissiper un peu. Il habite tout en haut d’une haute tour, soumis aux aléas des machines, ainsi qu’aux fumées des usines de la Ville. De ses fenêtres, il peut ainsi contempler la Forêt qui borde les immeubles et qui semble s’étendre à l’infini. Les arbres ont toujours été très intrigants, à la nuit tombée, quand les bruits de la ville commencent à s’éteindre, on pourrait croire que la forêt prend le relais, des grincements et des bourdonnements se font entendre et parfois quelques lueurs transpercent la canopée. Certains ont déjà quitté la noirceur de la Ville pour celle de la Forêt mais aucun n’en est jamais ressorti. Depuis, les autorités ont interdit à quiconque de s’en approcher sauf pour y déposer les robots et autres machines obsolètes qui disparaissent emportés sans que l’on ne sache trop par qui ou par quoi.
Alors qu’il contemple encore une fois l’orée des bois, Billy est interrompu par le bruit du verre qui éclate et les milliers de gouttes translucides qui tombent comme pluie sur le sol. Un oiseau mécanique tremble au milieu des éclats. Il porte sur son dos un tube-message, enfin ce qui ressemble à ça. Étonné car il n’attendait rien, Billy se saisit du tube et l’ouvre ; mais le message qu’il contient semble être incompréhensible. La langue employée semble familière mais aucun mot ne fait sens. Est-ce un message codé ? Est-il le destinataire ? Alors que ces questions trottent dans son esprit, le piaf à ressort prend son envol et repart par le chemin qu’il s’est ouvert. Billy s’élance à sa suite sans trop réfléchir.
Heureusement que l’oiseau a dû perdre de la puissance en venant s’écraser dans sa fenêtre car il peut ainsi le suivre en sautant de toit en toit, le rouleau de message à sa main. Il court jusqu’à l’orée de la Forêt, la tête vide mais le cœur à remplir. Le messager disparaît à mesure que le couvert des arbres s’épaissit. C’est à ce moment que Billy se rend compte qu’il s’est enfoncé dans les bois bien plus loin qu’il n’était autorisé. Il tourne sur lui-même mais ne reconnaît rien. Aucune idée du chemin du retour. L’épaisseur du taillis étouffe tous les bruits et même si la nuit n’est pas encore tombée, la rumeur de la Ville s’est évanouie. Il ne reste qu’à avancer et compter sur la chance pour accrocher le chemin du retour.
La nuit s’empare de la Forêt et avec elle ses habitants les grincements et les bourdonnements. Billy, désespérant de trouver sa route dans le noir environnant se rapproche d’un de ces feux-follets qu’il apercevait de son habitation. A mesure qu’il avance, les bruits semblent être coordonnés et les lumières suivre un rythme pré-établi, calqué sur les éléments sonores. De grands feux de camps sont au centre de ces chorégraphies. Des silhouettes de formes hétérogènes se découpent dans le contrejour de ces feux. Elles semblent danser mais rien d’humain dans ces mouvements. Billy se rapproche à pas de loup, espérant n’en croiser aucun. Et au détour d’un arbre, la vérité lui saute aux yeux. La Forêt est remplie de machines et autres robots dansants, chantants et heureux. Un robot-majordome le voit et lui fait signe d’approcher. Dans les reflets de sa calandre ne semble se dessiner aucune animosité. Il interpelle Billy et lui demande ce qu’il fait là. Ce dernier répond qu’il suivait un oiseau mécanique et qu’il s’est perdu. Au fil de la discussion, l’humain comprend que les robots récupèrent les machines jugées obsolètes par la Ville et qu’ils ont ainsi monté au fil des années une véritable société robotique dans la Forêt. Auto-suffisants et se remontant la manivelle entre eux pour s’assurer de l’énergie infinie. Enivré par la joie qui se dégage des ces corps non-humains et de leur manière tout à fait particulière d’exsuder le bonheur, Billy passe la soirée avec eux.
Au petit matin, alors qu’il est le seul à s’éveiller, les robots lui racontent qu’ils ont effectivement vu un oiseau mécanique passer au-dessus d’eux par deux fois. Une fois en direction de la Ville et l’autre dans le sens inverse. Billy poussé par la curiosité qui l’a déjà amené là veut poursuivre son chemin vers l’origine de l’oiseau. Mais les robots lui révèlent qu’au bout de la Forêt se trouve le Mur, construit de ciment et semblant faire partie du paysage, il barre la route de quiconque veut sortir des bois. Les robots savent le franchir, Billy n’est pas le premier humain à vouloir tenter le passage. Comme à ceux-là, les machines lui proposent de rester avec elles dans le bonheur permanent. Billy se retrouve ainsi face à un triple-choix : retourner à la ville, rester avec les robots, ou courir vers l’avant et l’inconnu. Rien à regretter derrière lui, peut-être un peu l’odeur des bonbons. Il n’est pas robot mais bien humain et il lui reste tout à découvrir devant, de l’autre côté. Accompagné des robots-passeurs, il s’approche du Mur. Gris, triste et envahi par quelques plantes grimpantes, il s’élève à une trentaine de mètre de hauteur. Il semble infranchissable et sans la confiance inébranlable des machines à ressort qui l’accompagne, il aurait sans doute abandonné sa quête. Les robots s’empilent les uns sur les autres et forment une échelle mécanique sur laquelle Billy s’envole. Alors qu’il arrive dans les derniers mètres de l’ascension, le robot-majordome qui a été son premier interlocuteur lui tend un descenseur à manivelle pour la désescalade de l’autre côté. D’abord c’est la tête qui dépasse et les yeux qui s’émerveillent juste avant que la bouche ne pousse un cri de surprise et de ravissement. Enfin c’est la première jambe qui franchit la frontière alors que la seconde repose toujours sur une épaule mécanique. Et c’est là que nous abandonnons Billy Brandy alors qu’il effectue son premier pas dans le monde. Le reste, il vous le racontera plus tard.
"Célicoles"
Pour cette troisième et dernière histoire je me suis concentré sur le début du récit, plus calme, dont l'univers était très inspirant visuellement, en illustrant Billy sur son Sur-Marin Céleste, inspiré de vaisseaux steampunks à la Jules Verne, traversant les nuages et récupérant des petits morceaux de ceux-ci avec sa cuillère en inox démesurée. Les méduses et autres animaux marins flottant dans le ciel viennent faire écho au Sur-Marin, comme si ce monde onirique ne répondait pas aux règles terrestres, et que la mer, la terre et le ciel n'avaient plus de frontières, même les nuages sont peuplés de petites maisons colorées.
Comme tous les matins, Billy sort de son sur-marin céleste armé d’une grande cuillère en inox pour prélever des échantillons de nuage. Il creuse avec son outil et en retire un morceau de nuage qu’il enferme rapidement pour éviter sa dissolution dans l’air. Cela fait bientôt plus de quatre ans que l’Entreprise l’a envoyé remplir cette mission de veille atmosphérique. Il n’est pas le seul dans sa division et croise quelques fois de loin des collègues qui constituent son seul contact humain. Cela fait plusieurs jours que ses prélèvements sont étonnants, les nuages sont moins consistants et il a failli passer à travers son dernier sujet d’échantillonnage. Il attend les résultats des premières analyses pour faire son rapport à la surface, mais pour tout dire, il n’est pas vraiment pressé et se trouve plutôt bien, seul dans les nuages.
Un jour, en rentrant d’une récolte éloignée de son sur-marin, à cause de la raréfaction des nuages, Billy se rend compte que la trappe par laquelle il était sorti s’est refermée. Il fouille ses poches, d’abord la gauche, rien dedans, puis la droite, rien non plus. Les clés sont restées à l’intérieur ! Billy se retrouve bloqué à l’extérieur de son habitation et de son outil de travail. Le voilà condamné à retrouver le plancher des vaches pour aller quémander le double des clés au siège de l’Entreprise. Il pourra sans doute en profiter pour faire un pré-rapport sur ce brusque changement des nuages. Ni une ni deux, il plonge vers la surface et se dirige vers le siège de l’Entreprise. C’est amusant de constater qu’en quatre ans, les choses ont bien changées. Les habitations ont gagné sur les champs mais, ce qui est plus étonnant, le style architectural a connu un grand changement et Billy se sent avoir une mode ou deux de retard quand il regarde les autres passants. Eux-mêmes le fixent un peu trop à son goût. Son collier GPS bipe brusquement pour lui indiquer qu’il est bien arrivé à destination. Mais là où les coordonnées indiquent la présence du siège de l’Entreprise se trouve une ferme de TRUCS. Billy se gratte la tête interrogeant ses souvenirs et à mesure que son regard s’élargit, il remarque que les gens sont vraiment différents, que les lieux n’ont rien à voir avec ceux qu’il a connus et que rien ne ressemble à ses souvenirs. Du coin de l’œil, il aperçoit un groupe de personnes en uniforme qui semble se diriger vers lui à grande vitesse. Billy enclenche la marche avant poussé par sa méfiance du groupe, exacerbée de quatre ans de solitude. Les uniformes accélèrent et commencent à lui jeter des cris comme des filets pour essayer de l’arrêter. Soudain, dans le renfoncement d’une porte, un visage lui apparaît et une main se saisit de la sienne pour le tirer dans l’obscurité.
Les deux corps se réfugient sous la terre, dans une cave humide mais étrangement éclairée par une sorte de miroir translucide qui irradie de la lumière verdâtre. La femme lui explique en quelques mots qu’elle l’attendait, que ce n’est pas le premier des Célicoles à tomber des nuages mais que c’est le premier qu’elle parvient à sauver des griffes du gouvernement. Cela fait plus d’un an que les nuages disparaissent et que la pluie qui venait avec eux ne tombe plus du ciel. Jour après jour, leur nombre diminue. Ils commencent par pâlir puis ils réduisent de taille, jaunissent et disparaissent complètement. Le gouvernement a bien essayé de faire venir des nuages d’autres endroits en ouvrant des portails dans le ciel mais jusqu’à présent, cela n’a pas ramené la pluie escomptée et le monde continue de se mourir. Seuls des humains sont tombés du ciel. Le lien entre les Célicoles et le manque de nuages n’a pas tardé à se faire et ils furent ainsi arrêtés dès qu’ils posaient pied à terre. Billy se rappelle qu’il a déjà lancé des analyses sur ces nuages mais qu’il a retardé au maximum sa descente au siège de l’Entreprise. Ses collègues plus consciencieux avaient dû descendre dès les premières bizarreries relevées et sans attendre les résultats. Dans son sur-marin à lui, il doit bien y avoir la réponse au mystère des nuages de ce monde.
La détresse au fond de la voix de son interlocutrice le pousse, sans qu’il ne se l’explique, à proposer son aide. Mais pour espérer aider ce monde à survivre, il doit d’abord récupérer le double des ses clés, dans le tiroir de son bureau au siège de l’Entreprise. Désignant le miroir au fond de la pièce, elle lui explique qu’il a face à lui un portail vers un autre monde. C’est grâce à un ouvre-monde que ces portails apparaissent mais malheureusement on ne peut pas encore maîtriser pas la direction d’ouverture. Elle lui tend l’objet et le pousse délicatement dans le miroir translucide verdâtre qu’il franchit encore sonné par les révélations qu’elle vient de lui faire. Derrière lui, l’ouverture se referme sans qu’il n’ait pu avoir mot à dire sur son destin.
Dans sa main l’ouvre-monde il commence ainsi sa quête. De monde en monde, il espère aléatoirement retomber sur sa terre natale pour retrouver le double des clés de son sur-marin céleste et résoudre la Grande Crise des Nuages. Quand vous le croiserez, il sera entre deux expéditions. Il risque de vous demander si vous n’avez pas vu sa clé.